Le Menteur - Acte IV - Scène 4

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GÉRONTE, DORANTE, CLITON.

Géronte

Je vous cherchais, Dorante.

Dorante

Je ne vous cherchais pas, moi. Que mal à propos
Son abord importun vient troubler mon repos,
Et qu’un père incommode un homme de mon âge !

Géronte

Vu l’étroite union que fait le mariage,
J’estime qu’en effet c’est n’y consentir point
Que laisser désunis ceux que le Ciel a joints.
La raison le défend, et je sens dans mon âme
Un violent désir de voir ici ta femme,
J’écris donc à son père ; écris-lui comme moi.
Je lui mande qu’après ce que j’ai su de toi
Je me tiens trop heureux qu’une si belle fille,
Si sage, et si bien née, entre dans ma famille.
J’ajoute à ce discours que je brûle de voir
Celle qui de mes ans devient l’unique espoir,
Que pour me l’amener tu t’en vas en personne,
Car enfin il le faut, et le devoir l’ordonne,
N’envoyer qu’un valet sentirait son mépris.

Dorante

De vos civilités, il sera bien surpris,
Et pour moi, je suis prêt ; mais je perdrai ma peine,
Il ne souffrira pas encor qu’on vous l’amène,
Elle est grosse.

Géronte

Elle est grosse !

Dorante

Et de plus de six mois.

Géronte

Que de ravissements je sens à cette fois !

Dorante

Vous ne voudriez pas hasarder sa grossesse ?

Géronte

Non, j’aurai patience autant que d’allégresse,
Pour hasarder ce gage il m’est trop précieux.
À ce coup ma prière a pénétré les Cieux,
Je pense en le voyant que je mourrai de joie.
Adieu, je vais changer la lettre que j’envoie,
En écrire à son père un nouveau compliment,
Le prier d’avoir soin de son accouchement,
Comme du seul espoir où mon bonheur se fonde.

Dorante, à Cliton.

Le bonhomme s’en va le plus content du monde.

Géronte, se retournant.

Écris-lui comme moi.

Dorante

Je n’y manquerai pas.
Qu’il est bon !

Cliton

Taisez-vous, il revient sur ses pas.

Géronte

Il ne me souvient plus du nom de ton beau-père.
Comment s’appelle-t-il ?

Dorante

Il n’est pas nécessaire ;
Sans que vous vous donniez ces soucis superflus,
En fermant le paquet j’écrirai le dessus.

Géronte

Étant tout d’une main il sera plus honnête.

Dorante

Ne lui pourrai-je ôter ce souci de la tête ?
Votre main, ou la mienne, il n’importe des deux.

Géronte

Ces nobles de province y sont un peu fâcheux.

Dorante

Son père sait la cour.

Géronte

Ne me fais plus attendre,
Dis-moi…

Dorante

Que lui dirai-je ?

Géronte

Il s’appelle ?

Dorante

Pyrandre.

Géronte

Pyrandre ! tu m’as dit tantôt un autre nom ;
C’était, je m’en souviens, oui, c’était Armédon.

Dorante

Oui, c’est là son nom propre, et l’autre d’une terre,
Il portait ce dernier quand il fut à la guerre,
Et se sert si souvent de l’un et l’autre nom,
Que tantôt c’est Pyrandre, et tantôt Armédon.

Géronte

C’est un abus commun qu’autorise l’usage,
Et j’en usais ainsi du temps de mon jeune âge.
Adieu : je vais écrire.

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